John
Raison de la consultation/contexte
John est un homme de race blanche âgé de 46 ans qui est séropositif. Il est admis dans un hôpital de soins aigus après qu’une infirmière de santé communautaire l’ait trouvé dans son appartement inconscient à la suite d’une surdose. John utilise des drogues illicites (y compris par voie intraveineuse) et des médicaments d’ordonnance.
Le lendemain, une fois la crise aiguë passée, John est stabilisé au plan médical, pleinement conscient et insiste pour obtenir son congé. Son comportement à l’hôpital est difficile. Il arrache ses cathéters et ses tubes, il fait des crises, injurie le personnel et refuse de manger en lançant parfois son plateau. Le médecin traitant estime que John a encore besoin d’une journée ou deux de surveillance et il est inquiet de sa charge virale non maîtrisée (> 100 000 copies/mL de sang) et de sa faible numération de CD4 (89 cellules/mm3) qui ne semble pas préoccuper John. Il a aussi des doutes sur sa capacité de prendre soin de lui-même compte tenu de ses lourds antécédents médicaux et de ses admissions à répétition. La personnalité de John est habituellement confrontante, mais il semble particulièrement agité cette fois-ci.
Subjectif
Antécédents médicaux
Les antécédents médicaux de John incluent sa séropositivité depuis six ans. Il a des antécédents de diabète et par conséquent, il a été amputé sous le genou gauche il y a quatre ans. Habituellement, il porte une prothèse. Il y a deux ans, il a été hospitalisé à l’unité des soins intensifs pour septicémie des suites d’une infection de plaie au site de son amputation sous le genou gauche. Il a aussi été hospitalisé à deux reprises pour intoxication au cours des 18 derniers mois. John est actuellement suivi par une infirmière communautaire pour des changements de pansement d’une plaie similaire qui n’a pas guéri. Il n’a donc pas été capable d’utiliser sa prothèse et dernièrement, il prenait un fauteuil roulant pour se déplacer à l’extérieur et des béquilles dans son appartement.
John souffre de neuropathie périphérique secondaire à son diabète. Il a donc une sensibilité diminuée aux deux membres inférieurs (pied droit et site de l’amputation à gauche) et aux mains. Il lui arrive de trébucher avec sa prothèse et il a de la difficulté avec certaines tâches manuelles. Il a même de la difficulté à présent à utiliser son fauteuil roulant.
Même si on lui a offert des médicaments pour le VIH dans le passé, à ce jour, il a refusé de les prendre, car il a peur que ses colocs découvrent sa séropositivité. Il vit avec des amis dans un petit appartement au 3e étage (avec ascenseur) et il a très hâte d’y retourner. Ses amis ont leurs propres ennuis de santé, et ils vivent ensemble pour regrouper leurs prestations d’invalidité. Il bénéficie de prestations d’invalidité à long terme depuis 5 ans et voudrait éventuellement retourner au travail, mais il s’inquiète de sa capacité de répondre aux demandes professionnelles à la lumière de sa dépendance aux médicaments d’ordonnance et de la fluctuation de son énergie. Il a été inhalothérapeute dans un hôpital communautaire. Son niveau d’énergie fluctue, et certains jours, il a besoin de dormir 2 à 3 heures dans l’après-midi. Lorsque son énergie est faible, il peut difficilement bouger; il ne sait pas s’il serait capable de faire une journée de travail complète.
On a demandé à l’équipe de réadaptation de le voir et de formuler des recommandations pour optimiser ses soins.
Objectif
Lorsqu’on entre sa chambre d’hôpital, John est par terre, il a sur lui des céréales et autres aliments qui se trouvaient dans son plateau à déjeuner. Il est pleinement conscient, alerte et orienté, mais semble émacié. Il dit être descendu du lit parce que le matelas était trop mou. John démontre qu’il est tout à fait capable d’effectuer un transfert vers le lit puis vers le fauteuil, mais il le fait de manière brusque et désordonnée, sans appliquer de mesures de sécurité, comme les freins sur son fauteuil roulant, et ni en vérifier la position.
Questions d’orientation
1. Quelles sont certaines des (a) incapacités, (b) limitations d’activités et (c) restrictions de participation actuelles de John?
Notes : Tenir compte des défis physiques, cognitifs, sociaux, émotionnels et psychologiques de John et les classer à l’aide du cadre de la CIF. Garder à l’esprit que son invalidité peut inclure des fluctuations de nature épisodique caractérisées par une alternance entre périodes de bien-être et de maladie (bons jours et mauvais jours).
En voici quelques exemples :
- Incapacités : fatigue, faiblesse, agitation, diminution de la sensibilité, de l’équilibre, de la dextérité, de la capacité de réflexion et de jugement, intégrité de la peau.
- Limitations d’activités : difficulté à s’acquitter des tâches quotidiennes, diminution de la mobilité (fauteuil roulant et prothèse).
- Restrictions de participation : difficultés/obstacles au retour au travail, difficultés financières, incapacité d’assurer sa propre sécurité, nature du soutien social de ses amis/colocs, crainte de la stigmatisation liée au dévoilement du VIH.
2. Quelle complexité supplémentaire la nature épisodique de l’invalidité de John ajoute-t-elle à son état de santé général?
Notes : Tenir compte des hauts et des bas qui viennent avec le fait de vivre avec le VIH et l’incertitude qui y est associée. Qu’arrive-t-il si John est incapable d’utiliser sa prothèse, ou s’il présente une autre infection de plaie? Qu’arrive-t-il si son diabète reste non maîtrisé et entraîne une autre amputation?
3. Quelle complexité supplémentaire les comorbidités de John ajoutent-elles à son état de santé général?
Notes : VIH, diabète, toxicomanie, amputation, neuropathie liée au diabète. Il est exposé à un risque d’autres complications en raison de son VIH et de son diabète.
4. De quels autres facteurs faut-il tenir compte?
- Nutrition : Étant donné que John est diabétique, le soutien nutritionnel est indispensable. Y a-t-il des problématiques au sujet de sa perte de poids, de ses habitudes alimentaires ou autres besoins (p. ex., sécurité alimentaire)? Suggérer une consultation en diététique. Si approprié et nécessaire, aborder l’option des banques alimentaires/popotes/paniers de nourriture/programmes de cuisine communautaires (qui procurent aussi un soutien social).
- Faire le point sur le sommeil et la gestion du repos et du stress. Au besoin, faire suivi avec un dépliant, une discussion ou une consultation sur une saine hygiène du sommeil.
- L’orienter vers un conseiller en toxicomanie pour son problème de consommation et un enseignement sur les pratiques d’injection sécuritaires.
- Déterminer si John dispose d’un mode de communication fiable pour assurer le contact avec les professionnels de la santé. Les solutions de rechange pourraient inclure une ligne terrestre, un téléphone cellulaire, ou laisser des messages à quelqu’un qui est en contact régulier avec lui et connaît son statut VIH.
5. Quels sont certains des objectifs de réadaptation à court et à long terme pour John?
Notes : Tenir compte des valeurs et préférences du patient, et des principes de prise de décision partagée au moment d’aborder et d’établir les objectifs. Utiliser le principe SMART.
Les objectifs à court terme incluent :
- Améliorer la motivation à devenir autonome pour les AVQ (s’habiller, faire sa toilette, prendre son bain) en 2 semaines.
- Être capable d’effectuer des transferts sécuritaires de manière autonome pour prévenir les accidents en 2 semaines.
- Être capable de se déplacer en toute sécurité en fauteuil roulant sur une distance de 200 mètres en 2 semaines.
- Être capable de se déplacer avec sa prothèse sur une distance de 100 mètres en 2 semaines.
- Faire évaluer l’atteinte cognitive qui pourrait exacerber son agitation.
Les objectifs de réadaptation à long terme pourraient inclure :
- Le mettre en contact avec des services de soutien communautaires pour réduire son isolement en ce qui concerne son diagnostic de VIH.
- Le mettre en contact avec des services de soutien qui peuvent l’aider dans ses prises de décision (p. ex., commencer les médicaments pour le VIH et prendre des mesures pour gérer sa consommation de substances).
6. Quelles stratégies de traitement de réadaptation pourrait-on utiliser pour cibler les incapacités, les limitations d’activités et les restrictions de participation de John?
Notes : Tenir compte des valeurs et préférences des patients et des principaux enjeux médicaux au moment d’aborder les stratégies thérapeutiques. Il est important que les stratégies utilisées pour les incapacités de John tiennent compte de la CIF. En établissant des objectifs en lien avec ses incapacités, on peut obtenir des améliorations de ses limitations d’activités et de ses restrictions de participation. Envisager l’utilisation du processus de prise de décision partagée au moment de prioriser les options/stratégies thérapeutiques, et en fournir la justification. Les priorités de prise en charge incluent l’agitation, les transferts et mobilité sécuritaires en fauteuil roulant, le soin des plaies, les exercices de renforcement des membres supérieurs et des membres inférieurs – quadriceps et ischiojambiers, l’entraînement pour les AVQ et l’évaluation de la position assise. John peut aussi avoir besoin d’interventions neurocognitives s’il manifeste des atteintes cognitives au moment de l’évaluation.
La tenue de dossier (p. ex., suivi des exercices, des médicaments et autres techniques d’autoprise en charge) pourrait aider John à maintenir ses objectifs. Si John se sent dépassé, lui suggérer de se fixer un objectif par jour pour se donner une raison de sortir du lit. D’autres stratégies pourraient inclure la tenue d’un journal, surtout pour identifier les éléments à aborder lors du prochain rendez-vous médical, faire équipe avec un ami ou un compagnon pour partager une activité et s’encourager mutuellement. Tous les clients devraient aussi être encouragés à pratiquer une forme d’activité cognitive (p. ex., lecture, jeux de lettres, ou jeux sur leur cellulaire). Les stratégies de pleine conscience (p. ex., méditation pleine conscience) pourraient aider John à gérer ses symptômes, son stress et son incertitude.
7. Quels types de documents ou d’information l’équipe pourrait-elle fournir à John au sujet de la promotion de la santé, de la prévention, des soins, du traitement et du soutien?
Notes : John pourrait tirer profit de la ressource Vous et votre santé publiée par CATIE (https://www.catie.ca/fr/guides-pratiques/vous-et-votre-sante). L’organisme CATIE fournit ainsi plusieurs documents d’information sur les comorbidités fréquentes, telles que le diabète. Il a aussi besoin d’une formation sur le soin des plaies. Toutefois, dans son état actuel, il pourrait tirer profit d’un pair aidant qui l’aiderait avec les différents aspects de son dossier et pour discuter de ses options. Un OCLV local pourrait disposer de pairs aidants bénévoles dûment formés si John accepte de participer.
Si John a vraiment l’intention de retourner au travail, il peut être adressé vers des services de réadaptation professionnelle locaux, selon le cas.
8. Quels autres services de santé ou sociaux seraient utiles à John? Et pourquoi?
Notes :
- Les OCLV fournissent un vaste éventail de services aux personnes vivant avec le VIH au Canada.
- Plusieurs patients tirent profit de programmes d’entraide. Si la consultation se fait auprès d’un programme de soutien non-VIH, ce dernier devrait faire l’objet d’une vérification de ses politiques entourant la discrimination et il faudrait avoir une discussion sur la nécessité ou non de dévoiler le statut VIH.
- John tirera profit d’une consultation en toxicomanie.
- Consultation en ergothérapie ou physiothérapie pour l’évaluation de la position assise.
- Lien éventuel vers un programme d’action emploi à son OCLV local ou autre organisme communautaire pour aider à faciliter sa réinsertion en milieu de travail.
- Organismes de soutien aux personnes diabétiques.
9. À propos de quels enjeux John pourrait-il avoir besoin que vous défendiez ses intérêts?
Notes : John pourrait avoir besoin de votre assistance pour se procurer des dispositifs d’aide à la mobilité (et il a besoin d’une nouvelle prothèse). Il pourrait aussi avoir besoin de votre aide pour trouver un soutien au revenu. Si John décide d’investiguer ses choix professionnels une fois stabilisé, il pourrait avoir besoin de votre aide pour accéder à des services de réadaptation professionnelle.
Prise en charge médicale – Recommandations de l’infectiologue
Évaluation : John vit avec un VIH et un diabète non traités, ce qui a entraîné une amputation. Le soin des plaies continue de poser problème, tout comme les enjeux comportementaux.
Plan :
- Counselling pour débuter un traitement antirétroviral d’association et une antibioprophylaxie avec Septra et l’azithromycine.
- TDM de la tête pour écarter une pathologie frontotemporale focale étant donné que le comportement du patient est significativement erratique et désinhibé.
- Consultation en toxicomanie/réduction des préjudices.
- Référence auprès d’un psychologue communautaire.
- Optimisation de la maîtrise glycémique – ce problème contribue probablement à la neuropathie et à la lenteur de la cicatrisation de plaies.
- Évaluer d’autres complications liées au diabète (p. ex., ophtalmologie).
- Discuter des avantages et inconvénients si/quand le traitement pour le VIH débutera.